I can cry. [ PV : Elly Slaw ]

De l’avoine pour Ereanor arrivera dans quelques semaines. Je n’ai pas pu faire plus vite. Tu le nourriras comme tu peux.

Mon poing atterrît directement dans le mur. Comment ça ?! Mon cheval devra se nourrir de nourriture bas de gamme pour bâtard ? oh, ça non. Je refuse.

- Papa, il meurt déjà assez de faim comme ça. Je dois m’entraîner, et s’il n’est pas en forme il risque de mourir. Si je pouvais l’avoir dans quelques jours…

Ma voix se fait suppliante. Il craque, je le sais. Je sais tout, je connais. Je souris mielleusement.

- Et sinon, comment va maman ?

Nous discutions pendant quelques minutes. Ca faisait du bien d’entendre la voix de mon père. J’avais l’impression d’être à côté de lui, comme quand il me félicitait pour être monté sur une scène et avoir interprété à la perfection « Casse-noisette » dans le New Orleans, en Amérique. Je trépigne d’impatience à recevoir les nouvelles tenues qu’il m’a confectionné. Sur mesure, des tutus de soie et de cachemire. Je ris, je m’exclame, comme si tout allais bien.

C’est le cas. Je m’amuse bien dans cette école, je ne vais jamais en cours, le prix des cigarettes a baissé et ma camarade de chambre n’est jamais présente ! Que de bonheur dans ce petit trou à rat.

- Gabrielle ? Nous avons trouvé quelque chose sur… Sur la mort de ton grand frère.

Je me raidis, en entendant ces mots : « Grand frère ». Des souvenirs bouleversent mon visage, et je sers contre ma poitrine les plaques métalliques contre ma peau ivoire. Je sers les lèvres, soupirant, appréandant.

- Le corps n’a toujours pas été retrouvé au Pakistan. Mais ses effets personnels ont été envoyés, il y a quelques années. Une lettre nous est parvenue, il semblerait que son régiment a été aperçu à la frontière. Mais n’étant pas sûr, les autorités n’ont rien pu faire. Il y a encore pour qu’Ereanor soit toujours en vie, Gabrielle.

Je vacille presque, les yeux perdues dehors la cabine. Les mots se répètent, les souvenirs se blessent, et le sang coule dans mes veines. Une pulsation étrange se fait sentir au dessous de ma poitrine. Est-ce mon cœur qui bat encore ? Je me racle la gorge.

- Très bien. Envois moi un faxe de la lettre dès que tu peux. Embrasse maman pour moi. Je… Je dois y aller. Je vous aime, très fort. Dites bonjour à Barnabé, et que ses glaces au citron me manque. V… Vous me manquez.

Je raccroche rapidement, étouffant un râle pas très féminin dans ma gorge. Je pousse avec rage la porte de la cabine, essuyant avec fureur les larmes qui tombent sur mes joues. Ereanor, prince étalon de mon cœur, qui parcours les sinistres abysses de mon âme, et grand frère disparut, où son visage refait surface hors de mes larmes. Elles coulent, coulent, coulent…

-Euh Bonjour...Ça va ? Hm..tu as besoin d'aide?

Je me relève rapidement, essuyant rageusement mes larmes froides, regardant de ma hauteur et ma splendeur le petit être devant moi. Mon visage se fait sévère, et de mes yeux azurs, je la transperce. Une DeLaCour n’a jamais besoin d’aide.

- Tout vas pour le mieux. Je n’ai besoin de l’aide de personne, ma petite.

Je regarde son sourire s’afficher et je recule de quelques pas. La nouvelle que je viens d’apprendre me tétanise. Mon frère ? Vivant ? Impossible. On m’a envoyé toute ses affaires, j’ai trop pleuré, j’ai trop souffert pour revoir son visage souriant. Impossible. Je balaye du regard la jeune fille, la détaillant avec des yeux perçants.

- Tu viens d’arriver hein ? Et t’es quoi ? Moi c’est Solweig. Je veux bien être gentille avec toi.

Je souris mielleusement, passant un doigt dans ma chevelure châtaignes, l’enroulant et la désenroulant de ma main.

- T’es perdu hein ? Et tu viens d’où ?